Quand on a vu la bande annonce de La piel que habito, finalement on a rien vu, enfin tout du moins on a aucune idée de ce qui nous attend vraiment. Parce que lorsqu’on sort de la salle, on s’est pris une grande claque en plein visage.
Avec ce film, qui est une adaptation du livre Mygale de Thierry Jonquet, Almodovar nous montre clairement qu’il a mûri. On retrouve toujours les thématiques chères à Almodovar, comme la femme, les relations mère/fils-filles, l’amour, l’identité, le genre, le corps. Mais le film atteint une profondeur jamais atteinte auparavant.
L’histoire est celle d’un savant fou, d’un Einstein des temps modernes, qui va progressivement tomber amoureux du fruit de ses recherches, du fruit de sa folie. Le savant c’est Robert, joué par Antonio Banderas, qu’on n’avait pas vu depuis longtemps dans un film d’Almodovar, et la « créature » c’est Vera, jouée par Elena Anaya (Tout ça parce que Pénélope a préféré jouer aux pirates…). Quoiqu’il en soit, ces deux là sont tout bonnement géniaux dans leur rôle, Antonio dans celui de l’homme sombre, et Elena dans celui de la beauté. Sans oublier Marisa Paredes, dans le rôle de la mère.
La multitude de points vue dans le film, grâce aux nombreuses caméras, à la fois intérieures et extérieures à l’histoire, offre la possibilité aux spectateurs de réellement pénétrer dans le film, dans son histoire et dans cette ambiance d’observation constante de l’autre. La hiérarchie des personnages est ainsi construite, autour de celui qui est observé par l’autre, qui est lui-même observé par le spectateur. C’est grâce à ces procédés d’observation que s’installe cette atmosphère effroyable, glaçante, morbide et ce malaise, palpable.
A noter, une différence notable avec les autres films d’Almodovar dans le choix des couleurs. On remarque une quasi absence du rouge, qui est omniprésent d’habitude, et qui là est seulement présent dans la couverture et le sang qui recouvriront le lit où se déroulera un viol. A la place, le film prend place dans une palette de tons pastels, avec une large présence du beige, couleur de la peau. Autre différence, le personnage de la mère qui est traditionnellement intouchable chez Almodovar, s’avère ici coupable, et source de tous les malheurs.
Ce dernier film de Pedro Almodovar suit le fil rouge de la carrière du cinéaste, tout en apportant une profondeur jamais vue et un scénario plus tordu, aboutit et réussi qu’il ne l’a jamais été.
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